REGGAE ET POLITIQUE EN AFRIQUE : LE MYTHE DU PARADIS PERDU

Auteurs-es

  • Kassoum KOUROUMA

Résumé

Né en Jamaïque à la fin des années 1960, le reggae est un exemple unique dans l'histoire
des musiques populaires urbaines. Tout en foisonnant de styles et de courants, il conserve
des bases suffisamment fortes pour rallier des générations de mélomanes sur les cinq
continents. En fait, le reggae, en plus d'être attentif à l'évolution de la culture et de la
technologie musicale, repose sur une idéologie : le rastafarisme. Son message fait écho
à la lutte d'hommes et de femmes dans une Amérique en proie à son passé esclavagiste,
opprimant et tenant en marge de la prospérité ambiante ses citoyens de couleur. Pour ces
laissés pour-compte, le bonheur passe par la reconquête de la dignité de l'homme noir,
avec en ligne de mire le retour vers l'Afrique, terre d'opulence et de rédemption. Inspiré
du livre biblique de l'Exode, ce mouvement de reflux des descendants d'esclaves a été
pensé et exécuté par Marcus Garvey à travers la Black Star Line, branche maritime et
commerciale de l'Universal Negro Improvement Association (UNIA).
Sous ce rapport, le reggae est militant. Incarné par la figure emblématique de Bob
Marley, ce genre musical parvient en Afrique au début des années 1980, portant
les espoirs d'un continent libéré du joug colonial et appelé à réduire les disparités
sociales nées de l'exploitation de l'homme par l'homme. Toutefois, passée l'euphorie
des premières années d'indépendance, le constat est que l'Afrique est loin d'être ce
paradis perdu idéalisé par les adeptes du rastafarisme. Au lieu de servir à financer le
développement, les énormes ressources agricoles et minières du continent alimentent
les troubles sociaux. À cela, il faut ajouter le déficit de démocratie, le clientélisme et la
gabegie qui reportent sine die les espoirs de développement. Ce faisant, les reggaemen
sont devenus la conscience musicale d'une Afrique désinhibée, prête à assumer le rôle
qui est le sien dans le concert des nations. Entre espérance et abnégation, ils essayent de
contribuer à la transformation qualitative du continent bien que leur activisme ne soit
pas toujours sans risque.
MOTS CLES
rastafarisme, esclavagiste, indépendance, paradis, activisme

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Publié-e

2020-05-16

Comment citer

KOUROUMA, K. (2020). REGGAE ET POLITIQUE EN AFRIQUE : LE MYTHE DU PARADIS PERDU. Recherches Africaines, (Numéro 23), 17–29. Consulté à l’adresse https://revues.ml/index.php/recherches/article/view/1606

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